Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être un gangster.

Aurore Maisondieu

Exposition inaugurale du 44 rue de Sévigné - Paris, 3ème

Du 12 octobre au 2 décembre 2023


Aurore Maisondieu questionne la fascination que lui inspirent les gangsters à travers leurs trajectoires de classe, leur richesse douteuse, leur désillusion voire leur chute spectaculaire. Elle interroge aussi frontalement et intimement la place des femmes dans ces classiques des années 1970 à 90 (Scarface, Le Parrain, Les Affranchis, Heat, Basic instinct, Copland) ou les séries télévisées telles que Les Soprano ou Euphoria. Quelle féminité est proposée dans ces mondes masculins ? Quels types d’hommes échouent et quels nouveaux pouvoirs émergent ? Lorsque l’on regarde des images, notre imaginaire et notre inconscient s'en imprègnent. Elles peuvent déformer notre mode de perception, de désir, de fantasme. L’artiste questionne ce que sa passion pour ces films exclusivement réalisés par des hommes a conditionné chez elle. 

L’emploi du grand format, comme d’un grand écran, permet à l’artiste de s’engager toute entière dans la réécriture et le recadrage de ces représentations. La dimension de ses toiles crée un engagement physique, qui peut ainsi ancrer sa réponse à la fiction dans le réel. Un face à face entre le corps de l’artiste et les figures qui l’occupent, la nourrissent et disent la lutte dans laquelle elle est engagée pour faire réapparaître ces personnages féminins. 

L’artiste invente un motif dynamique, celui d’une marge qui revient au centre. Les femmes de ses œuvres soutiennent notre regard, sont de face, debout, avec une arme et toute une panoplie clinquante (bijou, argent, voiture). Elles crèvent l’écran. D’autres fois, l’artiste opte pour des silhouettes qui restent insaisissables, qui hantent la toile mettant en image cette menace sourde, en réserve, qu’on ne voulait pas voir. En miroir, elle repositionne les personnages masculins. Elle jette une lumière crue ou ambivalente sur les héros de ces films qui échouent toujours à la fin. Une silhouette qui se veut imposante devient l’incarnation d’un homme brûlé par l’ambition et le succès. Deux masses sur le point d’en découdre semblent tout à coup pouvoir s’enlacer. 

L’esthétique qui traverse les œuvres d’Aurore Maisondieu renvoie à l'hyperféminité qui trouble, au clinquant, au bling-bling. L’artiste joue de ces codes, du soi-disant mauvais goût, qui agressent certain·e·s parce qu’ils s’éloignent des codes d’une beauté dite “naturelle” établis sur les croyances dominantes d’une société craignant le corps assumé de la “bimbo”. Cette prétendue vulgarité devient un moyen d’éblouir, d’admirer des féminités qui ne tiennent pas à la place assignée. Parfois, l’artiste ne représente que leur accessoire fétiche, un miroir qui parle, une paire de talon rouge, un cocktail mythique, ou ajoute des paillettes à ses toiles. La bimbo brille par son absence. 

Elle habille ses châssis de tissus issus du vestiaire de la bimbo, évoquant les lieux de fête de ce cinéma (vinyle, textile argenté ou doré, drap synthétique scintillant, moquette…). Elle use de techniques qui jouent d’une apparition furtive (craie, bombe, paillettes…) suggérant une présence illicite. Aurore Maisondieu fait aussi son autoportrait de femme artiste sur un fond rose barbie ou teinte rouge à lèvres, entourées de ses amies. Le gangster, lui, n’apparaît plus. Elle se resitue comme première protagoniste de la question qu’elle pose, comment exposer et célébrer un corps de femme qui choisit sa place. 

La récurrence des motifs de montagnes et des paysages méditerranéens renvoyant notamment à la Haute-Tarentaise et la Corse chères à l’artiste, offrent aussi un berceau à ces nouveaux mythes. Dans ces vallées vierges, on semble avoir démonté le panneau hollywoodien. Le soleil est tantôt un viseur  de revolver, une cible ou un jeton de casino. Aurore Maisondieu travaille sur une ligne de crête, sur le fil du rasoir. Elle reconstruit les scènes où des personnages qui visent les sommets sont à un point de bascule, pris dans une situation à l’issue incertaine, jouet de leur destin et du regard des spectateur·rice·s. 

Les tableaux d’Aurore Maisondieu sont le lieu d’un nouveau cinéma, où l’écriture cinématographique se défait et se refait un nouveau visage qui prend tous les âges avec la gueule ravageuse de celleux prêt·e·s à en découdre, qui ne restent pas à leur place.

Photographies : © Daniela Ometto

8 novembre. Pour rendre hommage aux grandes tablées, une scène incontournable dans les films de gangster, et tirer le fil du mafieux gourmet, nous avons organisé des dîners dans l’intimiste et charmant sous-sol d'un restaurant situé à Gambetta, Le Comptoir. Le menu thématique a été conçu par les deux cheffes italiennes du lieu.

10 novembre. La nail artist Sabrina Samba a réalisé un atelier nail art en dialogue avec les oeuvres de l’artiste Aurore Maisondieu et les codes esthétiques de la bimbo et du gangster.

18 novembre. Avec Matthias Boutry, fondateur de Boîte noire exploration et célébration de l'esthétique du parvenu et de la bimbo. Journée de vente d'une sélection de pièces de créateurs ayant livré leur interprétation de la vulgarité comme phénomène de puissance et d'ambition.

28 novembre. La journaliste et autrice Jennifer Padjemi, a présenté son dernier livre aux éditions Stock "Selfie, comment le capitalisme contrôle nos corps". En dialogue avec son oeuvre et celles de l'artiste Aurore Maisondieu, Nathan Ratapu de l'incontournable cave-librairie Rerenga Wines a proposé une sélection de vins et cuvées militantes pour prolonger la conversation. Quels rôles jouent les nouveaux canons esthétiques dans nos ambitions de trajectoire sociale ?

“Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être un gangster.”